Merci beaucoup à Nobert pour cet article ;-)

jeudi 18 mars 2010, Par Norbert Billaud

Bien que l’attention des médias et du public se porte inévitablement sur le week-end du Grand Prix, la grande partie du travail de l’ingénieur de course est accomplie loin des projecteurs. " Notre travail est souvent formulaire " déclare Shovlin. " Avant chaque course, nous passons du temps à effectuer des simulations à l’usine. Nous étudions les options stratégiques et tout facteur inhabituel lié à ce circuit. Les réglages initiaux de la monoplace sont déterminés durant la semaine précédant la course. "

" Avant de me rendre sur le circuit, je passe probablement 20 minutes au téléphone avec Jenson pour discuter de l’approche à adopter durant le week-end. Nous nous asseyons ensuite ensemble pendant quelques heures une fois arrivés sur la piste. "

Durant le Grand Prix même, l’ingénieur de course doit prendre les décisions stratégiques qui peuvent déterminer l’issue de la course. " Tous les appels sur le mur des stands sont communiqués à l’ingénieur de course " souligne Clear, " mais je travaille à partir des informations fournies par le Directeur technique, Craig Wilson. Nous étudions également au préalable tous les scénarios possibles. Ce qui paraît donc comme une décision prise en une fraction de seconde est en réalité pensée au millimètre près. "

Tous les spectateurs de la retransmission de la course de F1 de l’année dernière l’ont peut-être également entendu communiquer avec Takuma Sato sur la ligne avant le premier virage. C’est une technique que Shovlin et Button utilisent cette année. " Les cockpits modernes sont très peu visibles de l’extérieur et les rétroviseurs du pilote sont souvent occultés par des ailettes aérodynamiques " explique Shovlin. " Grâce aux images télévisées, je peux informer Jenson des monoplaces qui l’entourent. Cela lui permet de limiter les risques d’une collision au premier virage. "

Si certains pilotes aiment bavarder durant une course, les ingénieurs sont conscients de l’importance de la discrétion. " Les équipes ont surveillé les radios des autres écuries ces dix dernières années " affirme Clear, " et maintenant, les spectateurs peuvent également les entendre. Nous devons rester vigilants afin de ne pas communiquer nos secrets techniques ou tactiques. "

L’ingénieur de course moderne doit savoir allier diplomatie et savoir-faire technique. Clear et Shovlin sont tous des ingénieurs talentueux et expérimentés. Shovlin a obtenu son doctorat en dynamique et contrôle de véhicules avant de rejoindre l’écurie alors nommée BAR Honda en 1998. Clear a travaillé comme principal concepteur pour les écuries Leyton House et Lotus F1 au début des années 90 avant de devenir ingénieur de course pour Johnny Herbert, David Coulthard, Jacques Villeneuve, Takuma Sato et à présent Rubens Barrichello.

" L’un des plus grands défis qui se posent à nous est la conversion des problèmes techniques en un langage aisément compréhensible pour le pilote " déclare Shovlin. " Au volant de leur monoplace, les pilotes ont beaucoup à penser. Nous devons donc leur restituer l’information dans une forme aussi simple que possible. " Shovlin est l’ingénieur de course principal de Button depuis le début de 2004 et pense que sa relation avec le pilote s’est améliorée au fil du temps. " On commence à mieux se comprendre et avec l’expérience, on est mieux à même de faire la distinction entre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cela vous permet de réagir plus rapidement à une situation donnée. "

Jock Clear était l’ingénieur de course de Jacques Villeneuve lorsque ce dernier remporta le Championnat du Monde en 1997. Ils ont ensuite intégré l’écurie British American Racing en 1999. Lorsque Villeneuve quitta l’équipe à la fin de 2003, Clear s’est trouvé plongé dans une relation avec un nouveau pilote, Takuma Sato.

" Taku a rejoint l’équipe pour la course finale de la saison 2003 au Japon. Nous avions peu de temps pour nous préparer mais il a finit sixième à ses débuts et nous nous sommes très bien entendus depuis lors. Travailler avec Taku fut une tâche entièrement nouvelle pour moi. J’étais bien plus un père spirituel, une sorte d’ingénieur de course-tuteur. Maintenant, avec Rubens, je suis revenu au même rôle que celui que j’avais avec Jacques étant donné qu’ils ont des personnalités très similaires. "

Clear admet que son rôle implique un certain degré de psychologie. " Il faut traiter chaque pilote de manière différente. Il faut savoir les encourager lorsque leur moral est au plus bas et les calmer lorsqu’ils sont surexcités. "

Après un début de saison difficile, Clear souligne que sa relation avec Barrichello s’épanouit. " La rapidité avec laquelle nous sommes parvenus à retourner la situation en a surpris plus d’un. Rubens a été capable d’utiliser son expérience pour l’aider à s’adapter à une nouvelle équipe et un nouvel ingénieur. "

En Formule 1, les performances d’un pilote se mesurent surtout par son coéquipier. Il en est de même pour un ingénieur de course. " On est malgré soi propulsé dans la compétition " déclare Clear. " On cherche à donner le meilleur de soi-même et la meilleure façon de mesurer ses performances est de les comparer à celles du type qui porte exactement le même équipement. Mais c’est une rivalité amicale ! " Shovlin acquièse : " Bien sûr que nous rivalisons, mais toujours dans le meilleur esprit possible. Il n’y a aucun sous-entendu, nous pouvons analyser les données de l’autre sans crainte. "

D’une telle symbiose entre l’ingénieur de course et le pilote, il n’est pas surprenant qu’une amitié naisse. " Je considère toujours David Coulthard comme un ami proche " affirme Clear, " et Jacques est un père spirituel pour mes filles. Quoi qu’il se passe dans le monde de la course, les instants restent à jamais gravés. Cela fait partie des liens qui se tissent lorsque les pilotes se lancent à folle allure sur la piste et se basent sur vos données. Sans cette confiance, vous ne tirez pas le meilleur parti du partenariat ou de la monoplace. Mais avec elle, vous développez toujours une amitié. "

Travailler en collaboration aussi étroite avec un pilote donne également aux ingénieurs de course une perception unique de leur talent. " Les meilleurs pilotes ont un contrôle total de tout ce qui les entoure " soutient Clear. " J’ai connu des pilotes discuter de ce qu’ils ont vu sur les écrans de télévision plantés autour des circuits. Rubens s’est rendu à la radio durant la course de Monaco de cette année pour me dire qu’il venait juste d’apercevoir Michael Schumacher en train de dépasser Jenson sur l’un des écrans. Cela montre à quel point ils dominent leur profession. "

Tantôt commentateur, tantôt coach et en partie tacticien, l’ingénieur de course moderne doit posséder une palette impressionnante de talents. Peu de professions exigent une tête aussi froide dans une atmosphère de pression intense. C’est un rôle que Clear et Shovlin ont plaisir à jouer.