• F1 - Technique : Les carburants, contribution essentielle aux économies (Partie 1)

    Optimiser la gestion de l’essence


    22 avril 2014 - 16h18, par Olivier Ferret 

    La puissance d’un moteur naît de la qualité de sa combustion. Sur un moteur turbo, l’optimisation du rendement vient aussi de la souplesse d‘utilisation du moteur sur une très large plage de régimes et de réglages. En F1, enflammer le mélange air-essence et le brûler le plus rapidement possible est une préoccupation permanente. Si le carburant de la pompe est du prêt-à-porter, celui de la F1 est du sur-mesure. Total le formule et une fois celui-ci testé et validé par Renault Sport F1, l’homologue auprès de la FIA, le produit et l’achemine sur tous les circuits.

    Une règlementation stricte

    Le règlement technique « carburant » de la Formule 1 est strict. Il encadre la formulation en limitant la part des hydrocarbures entrant dans la composition du produit final. Une monoplace de F1 doit rouler avec un carburant qui possède un profil proche du super sans plomb de la pompe et répondre à des contraintes draconiennes. Sauf sur un point essentiel : l’indice d’octane n’est pas limité. Malgré une apparente rigidité, une marge de manoeuvre subsiste donc. Elle permet aux chercheurs de faire la différence. Car si les ingrédients qui entrent dans la composition du carburant F1 sont réglementés, et leurs proportions encadrées, la recette, elle, est « presque » libre...

    Optimiser l’injection

    Les nouveaux propulseurs F1 sont à injection directe : le carburant est injecté directement dans la chambre de combustion comme sur un moteur diesel moderne. Le régime maximum est limité à 15 000 tr/min. Mais en réalité la combinaison entre la recherche de fiabilité, la limite en débit de carburant et le fonctionnement en mélange pauvre, va imposer aux motoristes un fonctionnement dans une zone proche de 11 000 tr/mn. Néanmoins, ce nouveau moteur, du fait de l’injection directe, doit être alimenté par un carburant se vaporisant très rapidement.

    Cette injection est initiée pendant la phase de compression juste avant l’allumage et le temps moteur. Elle est gérée électroniquement afin d’être aussi rapide que précise. La haute pression d’injection favorise la vaporisation pendant que le jet d’essence pénètre dans les gaz frais, mais cette vaporisation peut également être favorisée par la qualité du carburant.

    Les jets doivent être très courts pour se vaporiser rapidement sans mouiller trop fortement les parois des pistons ou les chemises des cylindres. Auparavant, l’injection indirecte en amont de la soupape laissait plus de temps et des conditions de température et de pression plus clémentes.

    Stabiliser la combustion

    L’entraînement d’un moteur électrique sur l’axe du turbocompresseur par les gaz d’échappement, afin de générer de l’électricité, est une technologie novatrice en termes de récupération d’énergie. Elle n’est efficace qu’à la condition d’être capable de passer la plus grande quantité de gaz à la plus grande vitesse possible sur la turbine chaude du turbo placée dans la veine des gaz d’échappement. La solution ? Faire fonctionner le moteur à essence à injection directe comme un diesel, avec un important excès d’air et donc à richesse très faible. Outre une bonne vitesse de flamme, Total formule un carburant possédant une bonne stabilité de combustion en mélange pauvre.

    En outre, il doit également garantir le refroidissement et le fonctionnement des pompes à essences : la pompe de gavage située dans le réservoir qui élève la pression de quelques bar et alimente la pompe à haute pression générant la pression d’injection.

    Dompter le cliquetis

    Le rôle du carburant se résume en peu de mots. Pour libérer la puissance, il doit permettre une combustion très rapide, donc être rapidement vaporisé de façon homogène. Après allumage, la propagation de la flamme doit être quasi instantanée mais sans générer de cliquetis. Or les moteurs turbo y sont particulièrement sensibles car ils possèdent de plus fortes charges thermiques que les moteurs atmosphériques. C’est l’un des défis de la saison.

    Le cliquetis est une combustion incontrôlée, en régime de détonation, qui se propage à très grande vitesse dans la chambre de combustion. Ce phénomène « explosif » engendre des ondes de pressions qui se réfléchissent sur les parois, générant de très importantes oscillations de pression. Conséquences : des vibrations audibles, une destruction de la dynamique interne des gaz de la chambre de combustion et un transfert thermique entre les gaz brûlés et le métal. En quelques secondes, un piston peut ainsi être percé ou détruit par fusion.

    L’aérodynamique de la chambre de combustion, le débit des injecteurs, le dessin des bougies et l’électronique entrent en ligne de compte, tout comme la qualité du carburant. Nos chercheurs proposent ainsi un carburant présentant notamment un accroissement significatif de l’indice d’octane.

    Contenu énergétique et densité

    Il convient de formuler le carburant pour que les 100 kg autorisés par course contiennent le maximum d’énergie utilisable par le moteur. Cette formulation sur-mesure pour le propulseur Renault Energy F1-2014 possède ainsi quelques secrets… Sur les 100 kg de carburant embarqués, un écart de densité de l’essence de 0,025 induit un écart de 5 litres sur la contenance et la taille du réservoir ! Total formule donc ses carburants afin de répondre aux exigences du propulseur Renault Energy F1-2014, mais aussi avec le souci de ne pas pénaliser la conception du châssis. Un seul objectif : trouver le meilleur compromis en densité pour satisfaire les besoins du châssis (taille du réservoir) et ceux du moteur, tout en assurant une très bonne résistance à la température. Un point crucial car les batteries de stockage sont intégrées sous le réservoir et participent activement à son réchauffement.

    F1 - Technique : Les carburants, contribution essentielle aux économies (Partie 2)

    Optimiser la gestion de l’essence


    22 avril 2014 - 18h25, par Olivier Ferret 

    Les composés d’origine non fossile

    Depuis 2008 la législation impose des composés d’origine non fossile dans les carburants : les bio-carburants. L’obligation d’incorporer 5,75% (en masse) de composés d’origine renouvelable dans les carburants est un des éléments fondamentaux entrant dans la « recette ».

    Ces molécules « non fossile » peuvent contenir de l’oxygène, comme l’éthanol, mais également des hydrocarbures obtenus à partir de la décomposition par des bactéries de certains déchets végétaux ne rentrant pas dans la chaîne de consommation alimentaire. Ce sont les carburants renouvelables ou biocarburants de 2ème génération.

    A noter : l’oxygène parfois contenu dans ces bio-composants limite le pouvoir calorifique, donc l’énergie disponible dans le carburant final, mais apporte des composants, tels les alcools, présentant un indice d’octane élevé. L’étude de la combustion est indispensable pour la recherche du meilleur compromis sur le moteur turbo, entre fiabilité apportée par le haut indice d’octane et puissance maximale disponible.

    Les additifs

    Les additifs sont primordiaux pour la fiabilité du moteur, tant pour éviter la casse que pour éviter la déchéance progressive de la puissance du moteur sur son cycle de vie. Nos travaux sur la résistance au cliquetis et dans le domaine de la lubrification répondent à ces problématiques. Alors que Renault Sport F1 a acquis une très grande connaissance sur l’optimisation des pièces, Total sait comment additiver le carburant afin de réduire les frictions des segments, éviter les dépôts sur les calottes de piston et les parties chaudes du moteur, lubrifier les pompes à essence haute pression, et enfin prévenir la cokéfaction des injecteurs. Ces molécules actives présentent différentes propriétés : détergence, anticorrosion, antioxydation, réduction de l’émulsion avec l’air, modifications de frictions, amélioration de combustion, amélioration de l’indice d’octane.

    La pratique : un dialogue permanent

    Formuler le meilleur carburant F1 possible, c’est par définition connaître tous les secrets d’un moteur. L’histoire du partenariat entre Total et Renault Sport F1 s’est inscrite dans cette synergie. La transparence entre le Centre de Recherche Total de Solaize (CReS), Total ACS et l’usine Renault Sport F1 est complète, et les contacts entre ingénieurs permanents. Certaines parties du moteur sont ainsi essayées au CReS. Notre expérience commune nous permet aujourd’hui d’amorcer notre collaboration dès le dessin de la chambre de combustion afin d’en optimiser le fonctionnement, que ce soit à l’aide de simulation ou d’essais sur des pièces réelles. Un avantage capital.

    Le résultat final

    C’est un carburant composé de plusieurs dizaines d’ingrédients formulé spécialement pour le propulseur Energy F1-2014, permettant de garantir un niveau de performance de premier ordre. Au final, le V6 turbocompressé Renault est nourri par un super sans plomb présentant un indice d’octane élevé (propriétés antidétonantes et gain de puissance), une excellente stabilité en combustion (anti-cliquetis), un contenu énergétique important.

    Le développement

    De très nombreux développements de carburants F1 sont testés chaque saison. Une fois la formulation optimale retenue et validée par Renault Sport F1, Total procède à l’homologation du produit auprès de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA). C’est l’acte de naissance du carburant : une dizaine de litres sont envoyés en Grande-Bretagne au laboratoire fédéral afin de recevoir l’aval du législateur. L’analyse de cet échantillon, obtenue par chromatographie gazeuse, permettra d’obtenir le code génétique du carburant qui servira de référence jusqu’à l’homologation du carburant suivant. Un autre fût de 25 litres est envoyé à un prestataire de la FIA pour la calibration des débitmètres des monoplaces. À chaque changement de « recette », une nouvelle phase de validation complète est obligatoire. Chaque homologation réclame de 3 à 4 semaines.

    La production

    Total produit ses carburants F1 selon toutes sortes de volumétries, de 200 litres pour des tests spécifiques, jusqu’aux gros volumes destinés aux Grands Prix. 20 à 100 mètres cubes sont produits par cycle, ce qui garantit une autonomie de 8 à 10 week-ends de course aux écuries comme aux bancs d’essai Renault Sport F1. Cette production dure plusieurs jours, et la mise en fûts (50 ou 200 litres) est rapide afin d’assurer l’homogénéité du contenu des bidons. En milieu de production, un fût est séparé en plusieurs échantillons, destinés à la FIA comme à nos propres références. Enfin, chaque fût est numéroté. Une étape cruciale qui demande de la précision. Certains éléments, en effet, entrent pour moins de 1 % dans la composition du mélange. Total peut être amené à apporter plusieurs carburants spécifiques sur les circuits selon les choix des écuries.

    L’acheminement

    Malgré de multiples contraintes (réglementations sécuritaires, douanières et commerciales) différentes selon les pays, les logisticiens de Total ACS sont condamnés au sans-faute quant à l’acheminement des carburants sur les Grands Prix. Aucun droit à l’erreur.

    L’analyse de conformité en Grands Prix

    La FIA effectue des prélèvements de carburant de façon aléatoire pendant les week-ends de course, et prélève également un échantillon sur les monoplaces des pilotes montés sur le podium. Autant dire que les carburants Total ont été les plus contrôlés ces dernières saisons.

    Or de nombreux paramètres peuvent altérer un carburant par rapport à sa composition homologuée : un solvant toujours présent après nettoyage de la pompe à essence ou du réservoir, ou l’évaporation des molécules les plus légères si une monoplace a tourné avec un faible volume embarqué. L’altération de la formulation par rapport à sa référence peut entraîner la disqualification d’un pilote ou de son équipe.

    Pour s’assurer à tout moment de la conformité du carburant utilisé avec le « code génétique » déposé, Total déplace un chromatographe sur les circuits. Cet appareil de contrôle permet d’identifier, chaque jour, les molécules présentes dans l’essence utilisée.

     

    Source : motorsport.nextgen-auto

    lien vers http://motorsport.nextgen-auto.com/-Formule-1-.html

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